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VOL. 69 (4),  LIEBIG ET LA PHARMACIE

mencé sa formation scientifique dans la pharmacie de Swinemünde en
1798 (9). Pendant sa formation, Kastner fit des recherches intenses, réali-
sa ses propres essais chimiques et rédigea, comme il disait à Tromm-
sdorff, les premiers articles scientifiques « à la lumière d’une lampe ac-
crochée loin de la table de la pharmacie, après exécution du travail du jour
amer », articles qu’il publia dans le « Journal » de celui-ci (10). Il parait
donc tout à fait naturel que le maître de Liebig, Gottfried Pirsch en tant
q’élève de Trommsdorff lui avait recommandé les études chez Kastner,
ancien pharmacien et ami de Trommsdorff.

        Kastner encourageait particulièrement Liebig et celui-ci était très
attaché à son maître et le suivit à Erlangen en 1821. Plus tard, le jugement
de Liebig sur son ancien maître est pourtant moins positif, lorsqu’il re-
marque dans ses notes autobiographiques: « Le discours de Kastner qui
était considéré comme le chimiste le plus célèbre, était sans ordre, sans
logique et ressemblait à la boutique de fripier pleine de connaissances que
je portais dans ma tête »(3).

        En 1822, Liebig continua ses études à Paris sur la recommandation
de Kastner. C’est ici, qu’il connut une nouvelle forme de la chimie,
comme il souligne dans son autobiographie: « Les discours de Gay-
Lussac, Thénard, Dulong etc. avaient pour moi un charme au-delà de
toute expression; l’introduction dans la méthode astronomique ou mathé-
matique de la chimie […] a conduit les chimistes et physiciens français à
faire leurs grandes découvertes » (11, p. 14). Cette forme de la recherche
chimique se distinguait fortement de celle pratiquée en Allemagne. Le fait
que Liebig se dédit plus tard de son ancien maître Kastner ne peut pas être
considéré comme une preuve d’ingratitude. Ce refus est plutôt lié à son
aliénation de l’orientation vers la philosophie naturelle favorisée par
Kastner. Quoique Kastner, dans sa qualité d’ancien pharmacien, avait pu-
blié de nombreux résultats bien précieux de recherches expérimentales, il
succomba comme beaucoup de naturalistes de son époque à la fascination
de la philosophie naturelle. Il est impossible de dire à quel point l’attaque
de Liebig contre la philosophie naturelle était aussi une « métaphore de
son aversion contre l’homosexualité » et ainsi donc une désolidarisation
du poète August Graf von Platen (1796–1835) qui lui avait été proche
pendant son séjour à Erlangen (3).

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